Deuil normal, complexe persistant, ou traumatique?

Les comprendre pour mieux intervenir : (suite)

Johanne de Montigny, psychologue

Les personnes en deuil nous consultent à cause d’une détresse psychologique qui émerge ou refait surface selon l’histoire et le profil de chacune, les circonstances du décès et le contexte dans lequel advient l’épreuve. Au tout début, les réactions sont fortes (choc, déstabilisation, crises de larmes, colère, anxiété…), les sentiments sont complexes (culpabilité, chagrin, amour, haine…) et la perspective de vivre sans l’autre, dépourvue de sens.

Entre le deuil dit « normal » et le deuil dit « complexe persistant » (DSM-V5), la ligne n’est pas toujours simple à tracer pour les psychologues cliniciens. L’intensité des réactions en termes de fréquence et de durée, la qualité des liens préexistants (son style d’attachement, son rapport avec la vie en  soi, autour de soi et devant soi) demeurent des indications probantes, des sources d’information éclairantes pour mieux saisir ce que la personne a perdu en elle en perdant l’autre: Effondrement du sentiment de toute-puissance (comment aurais-je pu le sauver), ébranlement des certitudes  (nul n’est à l’abri de la mort), de l’estime de soi et de la sécurité  affective (comment redéfinir son identité), en sont quelques manifestations.

Perdre un enfant, un parent, ou un conjoint(e), pour la plupart, représente « la fin de son monde » tel qu’il avait été perçu et planifié. Perdre à petit feu l’être cher qui s’enlise dans une maladie incurable, perdre par suicide, par accident, ou par négligence, sont des contextes différents qui, parfois, suscitent des réactions universelles mais le plus souvent, une souffrance à caractère unique.

La théorie de la reconstruction de sens stipule que la thérapie est un processus qui permet à la personne en deuil de se réapproprier sa vie, bouleversée par la perte, pour en faire un récit plus cohérent et porteur de sens (Neimeyer, Prigerson et Davis, 2002).

Cette journée de formation a été conçue pour aider les psychologues à mieux saisir les enjeux entourant le deuil et à mieux différencier le deuil normal du deuil complexe persistant, le deuil traumatique des réactions extrêmes de l’endeuillé affaissé, en quête de sens et d’apaisement.

Johanne de Montigny est psychologue en pratique privée. Après avoir travaillé aux soins palliatifs du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) pendant une trentaine d’années, elle se consacre essentiellement aux personnes éprouvées par la mort d’un proche. Sa plus récente publication, Ce vif de la vie qui jamais ne meurt, a été réalisée dans une réflexion à deux entre le pédiatre Claude Cyr et la psychologue qui nous confient les impacts de leur travail auprès d’enfants et d’adultes en fin de vie. Également formatrice, conférencière, clinicienne et consultante, Johanne demeure active dans la profession et s’est récemment vue mériter deux prix de reconnaissance: Le prix professionnel de l’OPQ (2018) et celui de l’AQSP (Association québécoise de soins palliatifs (2019).